29 March 2024

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Contester a été particulièrement difficile ce printemps, autant physiquement qu’émotionnellement. Celles et ceux qui étaient dans les rues savent de quoi je parle. Depuis 2012, la machine de guerre est bien rodée. Chacun son rôle, chacun son texte. Tout est calculé. Casser le mouvement, comme les militants cassent (supposément) des fenêtres. C’était probablement le mot d’ordre dans tous les commissariats de la ville.

Suite aux événements du May Day, je n’ai pas été en mesure de supporter sur le coup les images tournées par les différents médias. Ce n’est que quelques jours plus tard, à tête reposée, que j’ai senti le besoin de le faire. Une fois de plus, j’ai été détruite par toute la violence qui émane de ces vidéos.

Le mépris qu’entretiennent les élites dirigeantes pour les citoyen.ne.s doit être sans limites pour qu’elles puissent commander des interventions des « forces de l’ordre » dignes de celles du premier mai dernier. Si, au moins, ce n’était que qu’un dérapage (un dérapage demeure celui de trop, j’en conviens), mais les interventions douteuses s’accumulent à une vitesse fulgurante. Tous les pays comptent leur lot de blessures, d’abus de pouvoir, de mensonges, d’intimidation, de harcèlement, de stigmatisation, d’assassinats, de répression policière quoi. Dans tous ces pays, on masque le problème en rejetant la faute sur les victimes (encore). Dans les derniers mois, au Québec seulement, nous avons pu assister à une myriade de tactiques toutes plus aberrantes les unes que les autres.

Des gaz lacrymogènes envoyés à tout hasard sur une rue excessivement achalandée par « le grand public », des balles de gaz lacrymogènes envoyées en plein visage des manifestant.e.s;

La surutilisation du poivre de Cayenne (« à deux bonbonnes si nécessaire »), le poivre de Cayenne au visage d’une femme du troisième âge en triporteur;

L’utilisation de flashbomb ou Bombes assourdissantes, reconnues illégales dans plusieurs pays, parce que trop dangereuses;

Des arrestations arbitraires, des arrestations sans avis de mise en état d’arrestations, des arrestations demasse, des arrestations de masse avec détention illégale;

Des fouilles illégales, des fouilles abusives;

Matraquer au niveau de la tête, matraquer une personne déjà au sol, matraquer à plusieurs reprises, matraquer à plusieurs bâtons;

Les coups de poing, les coups de pied, les coups de genou;

Les coups de poing, les coups de pied, les coups de genou, de la part de plusieurs policiers à la fois…;

Les coups de vélo!?;

gaz_jacquesnadeau

Comment on a pu en arriver là? En quelque part, il a fallu se fermer les yeux vraiment fort sur les problèmes grandissants dans les rangs des policiers pour cautionner de tels gestes aussi longtemps. En effet, ces pratiques de « contrôle de foule », comme le dit si bien Marc Parent, ne sont pas nouvelles dans l’histoire des mouvements sociaux du Québec. On peut, par exemple se rappeler les manifestations contre le Sommet des Amériques, dans la ville de Québec, en avril 2001, au cours desquelles les policiers de la province ont utilisé pour la première fois balles de plastique et gaz lacrymogènes en quantité exorbitante pour disperser les gens qui s’étaient rassemblés. On dénombre également plusieurs arrestations préventives (donc illégales), bref, « grosse affaire »!

Pour faire fonctionner la machine c’est 692 millions de dollars qui ont été investis seulement pour le SPVM en 2014, (SPVM, 2014), somme qui ne fait qu’augmenter d’année en année, alors que le taux de criminalité, lui, connaît un net recul depuis 1998 (statistiques Canada, 2013). Non-sens.

J’en suis encore à me demander, qui a envie de vivre dans une société comme celle qui se dessine sous nos yeux. Qui, sincèrement, crois encore que, « pour le bien de nos enfants », de sauvages amputations doivent être assenées à nos acquis sociaux, à un point tel qu’on ait besoin d’utiliser matraque, poivre et gaz afin d’empêcher les dits « enfants » de protester, … contre leur bien? Qui veut d’une génération tout entière qui ne s’implique plus et ne rêve plus? Qui voudra d’une génération devenue cynique, aigrie, apathique? Pourquoi c’est ce qu’on réclame chaque jour en réprimant dans la violence toute tentative de modifier l’ordre établi?

Il est grand temps que collectivement, on commence à se questionner sur le genre de société qu’on veut réellement léguer à nos enfants.

Personnellement, je ne veux pas de cet État policier dans lequel on se targue de laisser une place énorme à la liberté d’expression, « Tu peux penser ce que tu veux, dire ce que tu veux, sauf que… retourne sur le trottoir s’il te plaît ». La liberté d’expression ne se limite pas à exposer seulement ce que les élites considèrent comme étant acceptable…

Je pense qu’il est nécessaire, au point où nous en sommes, de repenser l’institution de la police dans son ensemble.

Pour éviter les dérapages

Pour freiner le tank

Noé’e

 1 Statistiques Canada, Indicateurs de mieux-être au Canada, Sécurité – Taux de criminalité, [http://mieux-etre.edsc.gc.ca/misme-iowb/.3nd.3c.1t.4r@-fra.jsp?iid=57]

2 Service de police de la ville de Montréal, Document budgétaires 2014, [http://www.spvm.qc.ca/upload/communiques/Document_budgetaire_2014_SPVM_2014-02.pdf]

1er photo: David Champagne

2e photo: Jacques Nadeau-Le Devoir

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